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Département Hérault
3 août 2009

La légende des trois pics du Languedoc

grotte_des_demoiselles_046Selon une très vieille croyance populaire datant du bas Moyen Âge, le nom des trois monts, Saint-Clair à Sète, Saint-Loup au nord de Montpellier et l'Aigoual dans les Cévennes, aurait pour origine la belle et triste histoire des trois fils d'un grand seigneur de Saint-Martin de Londres. Beaux, riches, mais pas encore célèbres, ils n'avaient rien trouvé de mieux que de tomber amoureux de la même femme qui, comme vous pouvez vous en douter, n'était ni laide ni pauvre et dont la réputation de vertu et de douceur n'était plus à faire. On ne prête qu'aux riches, c'est bien connu !
Les prétendants se pressaient nombreux autour de celle dont ils prononçaient le prénom avec adoration : Bertrade. Par souci historique, précisons que d'aucuns prétendent qu'elle se prénommait Irène, mais qui croire ? Quoi qu'il en soit, dans cette fratrie énamourée, on est à peu près certain que l'aîné s'appelait Guiral, le cadet Clair et le benjamin Loup.
Troublée par l'amour des trois frères, Bertrade ne savait où donner de la tête. Quant à son coeur, il battait la chamade à trois vitesses :
L'aîné lui plaisait par sa gravité et sa force ; elle était attirée par la légèreté et l'insouciance du second et fondait devant la gentillesse et le dévouement du troisième.
Elle les aurait bien choisis tous les trois, mais ses parents avaient été formels : elle devait n'en élire qu'un, du moins en tant qu'époux...
Ne pouvant les départager, elle s'en remit à Dieu pour guider son choix. C'était une habitude chez les filles de cette époque. Justement, une nouvelle croisade (il y en eut neuf, si l'on compte celle contre les Albigeois) venait d'être lancée et cela donna une idée à Dieu. Il souffla une idée géniale à la belle indécise : et si elle envoyait ses amoureux transis délivrer Jérusalem ? Avec à la clé une promesse, celle d'accorder sa main à celui qui rentrerait de l'expédition en ayant à son actif le plus d'actions glorieuses.

Voilà nos trois gaillards en route pour des contrées lointaines, tandis que la belle, filant sa quenouille, s'armait de patience en attendant leur retour.
Il faut rappeler que partir en croisade en Orient n'avait rien à voir à cette époque avec des vacances au soleil. La plus longue persista quatre années et la durée moyenne pour les autres était au minimum de deux d'absence. La plus courte, qui fut d'ailleurs la dernière, ne dura que huit semaines : parti d'Aigues-Mortes (Gard) le 1er juillet 1271, Saint-Louis trépassa devant Tunis le 25 août de cette même année.
Fous d'amour, les trois frères guerroyèrent comme des lions, rivalisant d'audace et de courage dans l'espoir de conquérir le coeur de la jeune damoiselle à leur retour. De son côté, Bertrade commençait à trouver le temps long. Les nouvelles n'arrivaient pas, elle craignait le pire et culpabilisait en s'accusant de la mort probable des trois chevaliers. A force de se faire du souci, elle fut prise de langueur et de mélancolie, refusant toute nourriture. Elle pleurait à longueur de journée et finit par sombrer dans une grave dépression qu'à notre époque des psychologues auraient certainement pu guérir, mais bon, on ne va pas refaire l'histoire.Copie_de_7juin09__198_

Quand enfin les trois frères, couverts de lauriers et de cicatrices,  bouillant d'impatience de connaître la décision de Bertrade s'en revinrent de leur croisade, ce fut pour assister aux funérailles de la belle, morte la veille de leur retour.
Effondrés, les trois amoureux décidèrent de se retirer du monde et de vivre en ermite, chacun de son côté. Assignés à résidence volontairement, ils choisirent d'aller vivre sur trois monts éloignés de Saint-Martin-de-Londres, mais disposés en triangle par rapport au lieu où reposait leur bien-aimée. Avant de se séparer, ils se promirent d'allumer un grand feu à chaque anniversaire de la mort de Bertrade, afin d'honorer sa mémoire.
Les années passèrent. tous les ans à la même date - le 25 décembre pour certains chroniqueurs ; pour d'autres, le 19 mars -, les habitants de la plaine voyaient un immense brasier illuminer la nuit, de Sète au mont Aigoual jusqu'au pic Saint-Loup.
Et puis un hiver, deux feux seulement s'allumèrent en mémoire de Bertrade. Guiral avait rendu l'âme. L'année suivante, il n'y eut plus qu'un seul brasier : Clair s'en était allé. Loup leur survécut quelques années, puis lui aussi s'éteignit à son tour.
Bertrade et ses amoureux auraient sombré dans l'oubli sans la vigilance et la reconnaissance des villageois. Les trois ermites avaient rythmé leur vie quotidienne, ils avaient prié pour le salut de leur âme. Cela ne s'oublie pas en Languedoc. C'est pour perpétuer leur mémoire que les trois monts furent baptisés de leurs prénoms.

Paul et Olivier ASTRUC

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